La moitié des publicités pourraient ne pas être vues par des humains.
Aux Etats-Unis, le secteur a créé un gendarme; la France tarde à suivre.
C’est un fléau qui menace le marché de la publicité en ligne à long terme, mais que personne n’a vraiment intérêt à dénoncer à court terme… Voilà tout le dilemme des professionnels de la publicité sur Internet face à l’épineux problème de la fraude au clic publicitaire. Les chiffres divergent sur son étendue : certaines études estiment que la moitié du trafic sur Internet serait générée par des robots et qu’au moins la moitié des publicités ne seraient ainsi pas réellement vues par des humains, mais gonfleraient artificiellement le marché. D’autres vont encore plus loin, alors que certains, au contraire, minimisent le phénomène.
L’InterActive Bureau (IAB), association qui regroupe les professionnels du secteur et établit ses normes, estime en tout cas que le phénomène a coûté 8,2 milliards de dollars à l’industrie américaine de la publicité en ligne, l’an dernier, entre le manque à gagner et les coûts générés pour tenter de lutter contre la fraude. Une autre étude récente, menée par la société américaine de cybersécurité Distil Networks, va dans le même sens et affirme que pour 3 dollars investis en publicité sur Internet, 1 dollar va dans la poche des fraudeurs…
Une réponse américaine
Le phénomène a eu tendance à s’amplifier ces dernières années. D’abord parce que le gâteau de la publicité en ligne grossit (154 milliards de dollars dans le monde en 2015, selon PwC), attirant toujours plus de fraudeurs. Mais aussi parce que la vente d’espaces publicitaires en programmatique (aux enchères, en temps réel) a eu tendance à complexifier le marché, en faisant apparaître de nouveaux acteurs. Sur ces plates-formes, la transparence n’est pas toujours de mise… Aux Etats-Unis, des initiatives ont vu le jour pour tenter de mettre fin au problème. Les politiques se sont même emparés du sujet : un rapport de deux députés américains pointait récemment du doigt le manque de transparence du secteur.
Une question de moyens
L’IAB américaine, consciente des menaces à long terme, a ainsi donné naissance à une nouvelle organisation, TAG (pour Trustworthy Accountability Group), qui regroupe à la fois des éditeurs, des annonceurs, des régies… Son objectif est d’éliminer la fraude et de rétablir la confiance du marché. Cette association a déjà établi des listes de sociétés suspectées de générer du trafic frauduleux et d’adresses IP d’ordinateurs pris en flagrant délit.
A contrario, elle certifie aussi certains acteurs, reconnus pour leurs bonnes pratiques. « C’est un peu le bras armé de l’industrie, explique Christophe Dané, directeur général de l’agence de conseil en stratégie Digitall Makers et administrateur de l’IAB France. Mais ce système a un coût. En France, nous allons regarder son développement et sans doute essayer de le répliquer d’ici deux ans. Ce sera plus simple et moins coûteux de l’adapter ici, d’autant qu’une partie de la fraude vient des Etats-Unis. »
En attendant, l’IAB doit se contenter de recommandations dans l’Hexagone. « Il existe déjà un tas d’outils sur le marché, qui permettent de vérifier la provenance du trafic, de sortir de l’audience la part générée par des robots, de contrôler le type d’annonceurs sur un site « , souligne Christophe Dané. En cette rentrée, les discussions devraient s’intensifier. Les annonceurs ne désespèrent pas de voir une charte de bonnes pratiques voir le jour et… être réellement appliquée. La création de labels serait aussi envisagée.